1er février 2020 à 10h30
Section spéciale de Costa Gavras
Section spéciale s’inscrit dans le cycle des films politiques de Costa Gavras. Ces films traitent des rapports entre le monde politique et la justice ; de l’individu face au pouvoir. Ce film est une reconstitution minutieuse d’événements historiques établi d’après l’œuvre d’Hervé Villeré qui a dû se baser non pas sur les archives judiciaires françaises dont l’accès lui a été refusé mais sur des archives allemandes.
L’acte constitutionnel du 10 juillet 1940 qui marque la fin de la République fait de Pétain le législateur unique qui détient peu après le pouvoir judiciaire. Tous les magistrats sauf un ont prêté serment au Maréchal.
Une loi d’exception est promulguée et appliquée pour la première fois lors de la mise en place de la section spéciale après l’attentat contre un aspirant de marine allemand au métro Barbès. Toutes les « personnalités » du régime de Vichy défilent à l’écran, avec leur histoire réelle.
Que raconte le film ? Après l’exécution par les Allemands de deux jeunes qui avaient participé à une manifestation patriotique à Paris le 13 août 1941, les jeunes communistes décident qu’il est temps de passer à la lutte armée en tuant des soldats allemands. Le 21 août 1941 au métro Barbès, Fredo, qui deviendra plus tard le colonel Fabien, tue l’aspirant de marine Moser.
Pucheu, ministre de l’Intérieur, veut que le gouvernement français réagisse avant les Allemands, et fait adopter en conseil des ministres la création de la première section spéciale en vertu de la loi promulguée le 14 août 1941. C’est la première fois que l’on applique rétroactivement une loi !
Costa Gavras et Jorge Semprun ont adapté le livre d’Hervé Villeré, grand succès de librairie, paru en 1973. Villeré a été obligé de mener ses recherches à partir des archives allemandes, car René Pleven alors Garde des Sceaux ne lui avait pas permis l’accès aux archives françaises ! Mais Villeré a rencontré des témoins parmi les magistrats, et a eu accès au journal de prison d’André Brechet, l’un des trois condamnés à mort.
Dans le synopsis soumis à la commission de contrôle des films, les termes de « crime judiciaire » pour la condamnation à mort de trois hommes pour raison d’état sont repris mot à mot, de même qu’est citée la lettre de René Pleven considérant « qu’il fallait éviter de porter préjudice à des intérêts privés et réveiller des passions dans l’opinion publique ». La commission rend malgré tout un avis favorable et l’exploitation et l’exportation sont autorisées pour tout public (alors que Le chagrin et la pitié de Ophuls est toujours interdit).
Le film reconstitue fidèlement les lieux, les institutions et le climat. Costa Gavras avait obtenu l’autorisation de filmer au Palais de Justice de Paris, en menaçant d’informer la presse si l’autorisation lui était refusée, ce qui aurait été considéré comme une forme de censure !
L’accueil du film a été mitigé : par les communistes qui reprochent à Costa Gavras d’accréditer la thèse selon laquelle le PCF n’est entré en résistance qu’après l’offensive hitlérienne contre l’Union Soviétique en juin 1941. Mais également par les collaborateurs, qui se croyaient protégés par le secret des archives, mais il y a des témoins et, à l’étranger, les archives officielles sont accessibles ! C’est donc comme le dit l’historienne de cinéma Suzanne Langlois « une deuxième défaite pour la collaboration ».
L’affaire des Sections spéciales, qui a valu à Pucheu sa condamnation à mort, est une base de départ pour une discussion sur la politique de collaboration : les collaborateurs y voyaient un moyen de limiter les représailles des Allemands et de diriger ces représailles vers « des Français de moindre qualité » c’est-à-dire d’établir des distinctions entre Français.
La libération du territoire met fin aux sections spéciales de l’Etat français. Cependant, afin de réprimer certains faits de collaboration non prévus par le code pénal, le Gouvernement provisoire institue l’indignité nationale par l’ordonnance du 26 août 1944 et crée pour les juger des sections spéciales au sein des cours de justice. Face à la réprobation des résistants sur cette appellation, les sections spéciales sont renommées chambres civiques en septembre 1944.
La séance sera animée par Julien Blanc, docteur en histoire contemporaine et professeur agrégé d’histoire à l’EHESS. Il est l’auteur d’une thèse sur le réseau du Musée de l’homme et ses recherches portent sur la période de l’occupation allemande.
Cinéma le Saint-André-des-Arts
Salle 3
30 rue Saint-André-des-Arts 75006 Paris
(RER St Michel – bus : 38, 85, 96, 21, 27, 63, 87)
Tarifs : 6,50€ et 5€ pour les adhérents Ciné Histoire avec leur carte